Marseille : pourquoi les habitants partent-ils ?

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Femme d'âge moyen regardant la ville depuis un balcon

En 2023, plus de 17 000 Marseillais ont changé de département, selon l’Insee. Contrairement à la tendance nationale qui voit les grandes villes regagner des habitants, la cité phocéenne affiche un solde migratoire négatif pour la cinquième année consécutive.

Les départs concernent aussi bien les quartiers populaires que les secteurs résidentiels. Les familles, jeunes actifs et retraités figurent parmi les profils les plus mobiles. Cette dynamique modifie la composition sociale de la ville et soulève des interrogations sur ses perspectives d’évolution.

Marseille, une ville qui voit partir ses habitants : état des lieux d’un phénomène marquant

Les chiffres de l’Insee ne laissent pas place au doute : Marseille perd des habitants alors que Paris, Lyon ou Bordeaux maintiennent, voire augmentent leur population. En 2023, la cité phocéenne enregistre un nouveau solde migratoire négatif, poursuivant une trajectoire isolée face à la dynamique démographique nationale. Plus de 17 000 départs en douze mois. La tendance ne date pas d’hier, mais elle s’accélère, marquant une cassure nette avec les autres grandes villes françaises.

Ni les quartiers nord ni le centre ne sont épargnés. Ceux qui quittent Marseille ne viennent pas d’un seul secteur : arrondissements populaires, secteurs résidentiels, tous sont concernés. Les familles fuient un cadre urbain qu’elles jugent dégradé ou anxiogène. Les jeunes actifs, eux, cherchent ailleurs ce que le marché de l’emploi marseillais ne semble plus leur offrir. Quant aux retraités, ils se tournent vers la périphérie ou d’autres régions, espérant y trouver une existence plus paisible.

Ville Solde migratoire 2023
Marseille -3 400
Paris +1 200
Lyon +2 300
Bordeaux +800

Ce recul démographique s’incarne dans le quotidien : le centre et les quartiers nord se vident peu à peu. Toutes les générations, tous les milieux sociaux sont touchés. Les causes se multiplient, mais le constat reste le même : Marseille n’arrive plus à convaincre ceux qui y vivent d’y rester.

Qui sont ceux qui font leurs valises ? Profils et parcours de vie des Marseillais en partance

Le visage de l’exode marseillais est loin d’être uniforme. Plusieurs profils émergent nettement. Jeunes actifs et familles forment la majorité de ceux qui partent. Ils sont originaires des quartiers nord, des quartiers sud, et même du centre-ville. Chacun a ses raisons : envie d’un quotidien plus serein, lassitude face à un sentiment d’insécurité persistant, ou refus de s’accommoder d’un parc immobilier jugé vieillissant.

Les jeunes diplômés s’orientent vers Paris, Lyon ou d’autres métropoles, attirés par un marché du travail plus accessible. Si certains vantent les loyers raisonnables de Marseille, beaucoup déplorent l’état des logements et la difficulté à trouver un bien adapté à leurs besoins. Plusieurs, natifs de la ville, parlent d’une amertume croissante face au manque d’opportunités, même si l’attachement à la Méditerranée demeure fort.

Les familles de la classe moyenne, elles, s’installent dans les communes périphériques ou migrent vers d’autres régions. Leur objectif : offrir à leurs enfants un environnement perçu comme plus sûr et des établissements scolaires mieux équipés. Ce mouvement alimente un phénomène déjà ancien : le départ des ménages vers la couronne marseillaise.

Autre cas de figure : des néo-marseillais venus de grandes villes, séduits par la promesse du Sud, mais qui repartent rapidement. L’écart entre l’image lumineuse de Marseille et les réalités d’intégration ou d’emploi génère parfois une déception brutale.

Voici les principaux profils concernés par ces départs :

  • jeunes actifs désireux de trouver leur place ailleurs
  • familles cherchant une vie plus stable et sereine
  • néo-marseillais, attirés puis repartis, parfois désillusionnés

Le portrait des partants dépasse largement le cliché du Marseillais historique en rupture avec sa ville. Chaque histoire de départ illustre la complexité sociale de Marseille et met en lumière la diversité des attentes, des espoirs, des déceptions.

Entre difficultés du quotidien et espoirs déçus : ce qui pousse vraiment à quitter la cité phocéenne

À Marseille, l’attrait de la lumière et de la mer ne suffit plus. Le quotidien, lui, rattrape vite les rêves. Qualité de vie en chute, logements dégradés, services publics épuisés : ce constat résonne du centre aux quartiers nord. L’INSEE l’atteste : la ville perd des habitants, année après année, bien au-delà de la tendance nationale.

Sur le terrain, le marché immobilier marseillais ne répond plus aux attentes. Les prix restent inférieurs à Paris ou Lyon, mais la vétusté des logements et la rareté de biens adaptés rendent la situation délicate. Le centre-ville, pourtant mis en avant, souffre d’un manque d’entretien évident. Les quartiers nord connaissent une aggravation de l’habitat indigne et du sentiment d’abandon.

Le chômage reste élevé, l’un des plus forts parmi les grandes agglomérations françaises. Les jeunes pointent une économie asphyxiée, des emplois stables difficiles à décrocher, même dans les secteurs liés au port. Les familles, elles, se heurtent à la pénurie de places en crèche, à la saturation des écoles et à des services municipaux dépassés.

Voici ce qui revient le plus souvent dans les motifs de départ :

  • logements inadaptés ou insalubres
  • emploi qui se fait rare et difficile d’accès
  • services publics débordés ou insuffisants
  • climat d’insécurité qui ne faiblit pas

Le sentiment d’insécurité ne se limite plus à quelques secteurs. Il pèse sur l’ensemble de la ville. La perspective d’une vie meilleure ailleurs séduit désormais même ceux qui s’étaient toujours vus rester marseillais.

Père aidant sa fille à faire sa valise dans un appartement

Et si Marseille pouvait retenir les siens ? Idées et pistes pour inverser la tendance

L’avenir de Marseille ne se joue pas uniquement sur les quais du Vieux-Port. Les annonces d’ambition fleurissent, mais la population attend du concret. Rénovation des quartiers, attractivité du marché immobilier, services publics renforcés : les leviers sont identifiés, encore faut-il les activer sans tarder.

Le projet Euroméditerranée s’étend progressivement du centre vers le nord. Présentée comme l’opération de rénovation urbaine la plus vaste du sud de l’Europe, elle promet de transformer l’image de plusieurs quartiers via la création de nouveaux logements, la modernisation des infrastructures et l’aménagement d’espaces publics. Mais sur le terrain, la mutation peine à se généraliser. Les habitants réclament des résultats visibles, rapides, tangibles.

Des spécialistes, comme Michel Peraldi ou Michel Samson, rappellent que la gouvernance doit aussi évoluer. Budget participatif, implication directe des habitants, soutien accru aux associations locales : la transformation ne viendra pas d’une décision verticale, mais de l’ancrage dans les réalités du terrain. Les quartiers nord, en particulier, attendent des investissements concrets pour des logements décents et des services de proximité efficaces.

Des actions prioritaires émergent pour changer la donne :

  • Accélérer la rénovation des écoles et des structures petite enfance
  • Moderniser et densifier l’offre de transports publics
  • Favoriser l’accès au logement pour les jeunes actifs
  • Impliquer les habitants dans la refonte urbaine, à chaque étape

Pour relever le défi, il faudra oser un investissement à la mesure du défi, mobiliser des centaines de millions sur la décennie. Marseille, carrefour méditerranéen et cœur vibrant de la Provence, peut retrouver le goût de l’élan collectif. À condition de transformer l’attente en action, et de redonner envie de bâtir l’avenir sur place plutôt que de tourner le dos à la ville. Qui sait, demain, si la cité phocéenne n’écrira pas un nouveau chapitre, fait de retours et de fidélités retrouvées ?